Début octobre, coup de tonnerre : la direction de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) annonce le projet de démantèlement de son service médical. 7 000 salarié·es sont concernés et 60 millions d’assuré·es voient leur secret médical menacé. Pascale, salariée du service, nous raconte les enjeux et la lutte qui débute.

Peux-tu expliquer ce qu’est le service médical de l’Assurance maladie et son rôle ?

L’activité de base c’est de donner un avis médical sur les prestations allouées aux assuré·es sociaux  [1]. Ensuite il y a l’accompagnement des professionnel·les de santé, notamment des problématiques de santé publique, citons récemment la problématique du Tramadol [2]. Enfin, la lutte contre la fraude sur des assuré·es provenant de certain·es professionnel·es de santé. Les centres de santé dentaires et ophtalmologiques par exemple.

Pourquoi la direction de la CNAM décide-t-elle aujourd’hui de supprimer ce service ?

Thomas Fatome, directeur de la CNAM, évoque beaucoup la problématique des arrêts de travail depuis septembre. Il met en cause le service médical dans cette gestion. La volonté derrière la suppression du service médical et son indépendance, est d’aboutir à une gestion administrative des arrêts de travail. Ce projet intervient à la suite du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales qui pointait du doigt des difficultés à tous les niveaux au sein du service médical. Aux outils de travail inadaptés s’ajoute la gestion incohérente des directions successives de la CNAM. Et il s’agit aussi de faire des économies.

Quelles conséquences cette suppression aurait-elle pour les usagers et les usagères en termes de prise en charge médicale ?

Les médecins conseils et les praticien·nes conseils ont de manière générale une indépendance vis-à-vis des CPAM et leurs avis s’imposent aux caisses. Si le service médical devient une entité sous dépendance du directeur de la caisse primaire, il y aura un risque de voir apparaître une politique du chiffre en matière d’attribution de prestations.

Et les conséquences pour les collègues ? Quel est l’état d’esprit ?

Le projet ne mentionne pas explicitement le devenir des personnel·les et leur statut. C’est un démantèlement total en dix-huit mois qui est annoncé. On nous impose à terme un changement d’employeur. Beaucoup ressentent de la démotivation, de l’inquiétude et s’interrogent devant la brutalité de l’annonce et le flou du projet qui tient en dix pages pour décider du sort de 7 000 personnes. Certaines personnes envisagent de démissionner ou recherchent des postes dans d’autres organismes.

Les syndicats de la CNAM sont tous vent debout contre cette suppression, sait-tu quelles suites sont envisagées pour la mobilisation ?

Diverses actions sont en cours : pétition, courriers au ministre de la Santé, aux Ordres professionnels, aux député·es car la Loi de financement de la Sécurité sociale est en train d’être débattue à l’Assemblée nationale. Une nouvelle grève aussi car la grève du 3 octobre a été massive : un·e salarié sur deux en moyenne et des taux de 80 % dans certaines régions. Du jamais vu !

C’est la première fois que tu fais grève, qu’est ce qui t’as motivé ?

J’ai intégré il y a trente ans un service médical indépendant, que cette indépendance soit vouée à disparaître n’est pas admissible. Surtout qu’on veut nous dissoudre alors que la direction, qui est responsable, n’est pas inquiétée.

Propos recueillis par Hugues (Fougères)

La lutte du service médical peut être suivie et soutenue sur le site cgtcnam.fr de la CGT CNAM.

[1] Tel que les exonérations de tickets modérateurs, les arrêts de travail, la gestion des accidents de travail, les admissions en invalidité et des maladies professionnelles, les avis sur des demande d’accord préalable (par exemple en chirurgie de l’obésité ou en chirurgie esthétique) [2] « Santé : Diane, 33 ans, brise le tabou sur l’addiction au Tramadol », francetvinfo.fr, 7 juin 2024